Dr Tawhida Ben Cheikh : Hommage à la première femme nord-africaine médecin

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Le portrait du docteur Tawhida Ben Cheikh orne le nouveau billet de 10 dinars (3€) mise en circulation le 27 mars par la banque centrale de Tunisie.

C’est un symbole fort de soutien de la nation, à tout le personnel soignant du pays, en pleine crise du coronavirus.

Tawhida Ben Cheikh, la première médecin, pédiatre, gynécologue et féministe du monde arabe. Cette illustre et grande dame a eu un destin unique.

Née en 1909, Tawhida Ben Cheikh a marqué l’histoire contemporaine de la Tunisie et son propre parcours a été épique et humaniste.

Sous le protectorat français, sa mère, jeune veuve qui l’a élevée seule avec ses quatre frères et sœurs, l’expédie en douce étudier la médecine à Paris, sous la tutelle du bactériologiste français Etienne Burnet, également directeur de l’Institut Pasteur à Tunis. « Personne dans la famille, côté paternel, n’était d’accord pour envoyer ma mère seule à Paris.

« Alors ma grand-mère, pendant que le conseil familial se concertait, a fait prendre à Tawhida une calèche jusqu’au port de La Goulette, où le bateau allait partir », raconte sa fille, l’archéologue Zeïneb Benzina, 72 ans.

A l’époque, elle est la première dans de nombreux domaines réservés aux hommes.

Elle est la première Tunisienne à avoir obtenu le baccalauréat (en 1928).

Dès son retour en Tunisie, en 1936, elle s’engage dans la lutte féministe et participe, dès 1937, à l’action du club de la jeune fille tunisienne et de l’Union des femmes musulmanes.

Elle dirige le nouveau magazine Leila, qui s’affiche comme « une revue mensuelle illustrée pour l’évolution et l’émancipation de la femme musulmane nord-africaine »

À 27 ans, en 1936, elle est donc encore la première femme à s’installer comme médecin, pédiatre, puis gynécologue. Dans la Tunisie sous protectorat, les portes de l’hôpital ne lui sont pas ouvertes.

Elle devra attendre 1955 pour diriger le service de maternité de l’hôpital Charles-Nicolle à Tunis.

Tawhida devient aussi la première médecin femme à siéger au Conseil National de l’Ordre des médecins de Tunisie en 1959. En 1962, elle sera élue au poste de vice-président.

Vice-présidente du Croissant rouge tunisien, elle contribue à la création de plusieurs associations d’aide aux orphelins, de soins pour les enfants ou d’éducation pour les mères.

Elle menait des combats sur tous les fronts, que ce soit pour les orphelins ou les personnes ayant perdu leur logement durant les bombardements de la seconde guerre mondiale.

On la surnommait “le médecin des pauvres”, car elle exerçait dans un quartier très populaire et ses patients vivaient dans des conditions difficiles. À l’époque, les femmes venaient souvent la voir pour accoucher. C’est ainsi qu’elle est devenue obstétricienne puis gynécologue », raconte sa fille.

Elle s’est aussi battue pour l’accès aux soins des plus défavorisés et pour le droit à l’avortement (légalisé en 1973).

Zeïneb Benzina conserve en héritage l’élan féministe de sa mère : « Avec une force incroyable, elle voulait aider la femme tunisienne à se libérer de tous ses fardeaux. »

Elle fonde le premier service hospitalier de planning familial et participe à la création de l’école des sages femmes.

En 1943, Tawhida Ben Cheikh se marie à un dentiste, avec lequel elle aura deux fils et une fille. À la retraite, elle se consacrera à sa famille et prendra en charge elle-même la naissance de ses sept petits-enfants.

À l’indépendance du pays, elle dirige les services gynécologiques et obstétriques de l’Hôpital Charles Nicolle de 1955 à 1964 et Aziza Ottoman de 1964 à 1967. Elle prend sa retraite en 1967.

Militante féministe, son parcours précurseur est indissociable de ses combats féministe et humanitaire.

Tawhida Ben Cheikh est décédée le 6 décembre 2010 à l’âge de 101 ans. Elle a reçu peu d’hommages de son vivant, bien qu’elle ait ouvert la voie à toute une génération : aujourd’hui, près de la moitié des médecins en Tunisie sont des femmes.

Parmi les honneurs qui lui ont été rendus après sa mort figurent un centre de santé à son nom, inauguré en 2011 à Montreuil par Dominique Voynet, alors maire de cette commune de la banlieue parisienne, et un timbre à son effigie édité par la Poste tunisienne en 2012.

Cela fait 10 ans qu’elle nous a quitté à l’age de 101ans.

Autant d’expériences uniques qui auraient pu remplir plusieurs vies, et qui, toutes, ont été réalisées dans la plus grande discrétion, avec humilité, abnégation et modestie.

Tawhida Ben cheikh a contribué de façon importante à transformer l’image et le rôle de la femme et à faire de la science une opportunité pour le développement durable, la paix et le changement en Tunisie.

Voir son extraordinaire courage récompensé et honoré donne de l’espoir dans un futur humaniste et solidaire.